épisode 133 : 28 avril — Ad testudinem !

Publié le par strelets

En 1192, les Assassins réussissent probablement leur plus beau coup en liquidant Conrad de Montferrat, roi de Jérusalem, deux jours à peine après la confirmation de son titre, qu’il tenait depuis son mariage avec Isabelle de Jérusalem, dernière fille du roi Amaury. Des mauvaises langues prétendent que l’attentat a été commandité par Richard Cœur de Lion. C’est aussi le jour où les mutins du Bounty abandonnent le capitaine Bligh et 18 hommes dans une chaloupe (1789). C’était le début d’un périple de 6000 kilomètres pour rejoindre le plus proche port tenu par les Européens. 

 

Mutinerie et coup fourré, voilà qui est idéal le jour où je fais mon cours sur les Européens dans la Grande Guerre. Le nombre théorique des élèves fait que je retourne dans la salle des fêtes, sous le regard de Napoléon. Sauf qu’on commence à avoir des pertes : nous aurions pu tenir dans une salle de classe standard. Malgré le micro, je ne chante pas la Chanson de Craonne : déjà, j’ai peur de Napoléon, ensuite, je ne pique pas les grands moments de mes collègues — en plus, ça pourrait faire tourner le beau temps.

 

Je dois faire face aux avantages et aux inconvénients d’avoir mon lectorat caricaturé dans ces Chroniques. À la pause, une élève vient me voir pour présenter ses doléances : elle est élève à la Légion, et n’a pas apprécié que je sous-entende que ses camarades sont des grosses chaudasses (cf. épisode 129). Elle me demande de faire quelque chose, car ça donne une mauvaise image de l’institution. Me voilà confronté aux problèmes de la caricature : je trouvais ça marrant que certaines légionnaires tombent dans le cliché du pensionnat de jeunes filles, mais sans plus.

 

L’autre effet bizarre, c’est que les élèves ne me demandent plus ce que je fais en dehors du stage : inutile, ils l’ont lu ! Du coup, ils ont tendance à me plaindre et à me demander pourquoi, avec les cours excellent que je fais, on ne me nomme pas dans un bon lycée parisien. C’est sympa, ça fait plaisir, mais ça ne se passe pas comme ça.

 

Je me suis senti un peu coupable l’après-midi. Par la force des choses, j’ai dû faire un de mes cours les moins intéressants, consacré à l’histoire économique des pays développés depuis 1944. C’est pas très marrant : je m’ennuie moi-même à mon propre cours, autant dire que les élève… J’entends des gémissements de soulagement quand j’annonce la pause, et la fin de la conclusion sonne comme une délivrance.

 

En fait, c’est une stratégie de sevrage : si je continue à ce rythme, ils ne vont pas regretter de ne plus avoir mes cours.

Publié dans Saison 1

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