épisode 92 : 25 février — Revoir Constantinople

Publié le par strelets

Il y a des jours où les gens sont reconnus à leur juste valeur. En 138, Hadrien adoptait Antonin le Pieux, donnant un successeur particulièrement qualifié à l’Empire. En 1429, Jeanne d’Arc reconnaissait Charles VII lors de leur entrevue à Chinon. Et on ne peut franchir un 25 février sans penser à la première d’Hernani, qui devait consacrer Victor Hugo comme le chef de file des romantiques.

Aujourd’hui, retour à la Sorbonne pour ce qui sera peut-être mon seul TD du semestre si je ne parviens pas à me dépatouiller de mon affectation à François-Darlan. En même temps, j’ai la vague impression que le vent tourne. Hier soir, j’ai reçu un texto et un courriel de mon syndicat. J’y apprends que je serai promu au choix le 30 juillet. Nos lecteurs qui méconnaissent les sinuosités de notre beau système doivent savoir que chaque prof a une note qui se divise en une note pédagogique, donnée par l’inspecteur, et une note administrative, donnée par le chef d’établissement (cf. épisode 79). De cette note dépend la promotion plus ou moins rapide à l’échelon supérieur — c’est en fonction de cet échelon que sont calculés notre traitement et nos points d’ancienneté pour le mouvement (cf. épisode 44). Le tiers le mieux noté passe plus vite (grand choix), la moitié un peu moins rapidement (choix), le reste finit par être promu à l’ancienneté. Jusque là, j’étais prévenu par un courrier longtemps après le passage d’échelon : maintenant que j’ai pris langue avec un syndicat (cf. épisode 74), je suis averti au plus vite.


Épisode en Sorbonne donc. Et plus que vous ne le pensez. Une ex-collègue d’anglais d’Alfred-Jarry, dotée d’une curiosité apparemment sans bornes, souhaite assister à un de mes cours. N’étant pas sorbonnicole, elle ne connaît pas le vénérable bâtiment ; j’organise donc la visite. Première difficulté : entrer. En effet, nos sympathiques vigiles refoulent ceux qui n’ont pas une bonne raison d’entrer dans ce temple du savoir. Je prépare une excuse vraisemblable. Bien évidemment, il lui suffit d’un grand sourire pour passer alors qu’on me demande toujours ma carte.


Nous tournons donc dans la Sorbonne. Les fresques un peu kitsch des amphi beaux mais franchement pas fonctionnels entretiennent la légende du lieu. En revanche, quand nous passons dans des couloirs dérobés aux murs lépreux et aux escaliers défoncés, en passant la tête dans des salles délabrées (hélas, la légendaire E 638 était occupée), le prestige de l’institution en prend un coup. Pour couronner le tout, panne des machines à café !


Gros coup de pression pour le TD. Déjà, j’ai toujours le trac avant un cours, quels que soit le niveau, le lieu et le moment de l’année (la remarque de l'épisode 77 est entièrement véridique). Ensuite, l’envie de ne pas rater ma probable unique prestation du semestre, qui plus est sur des textes portant sur mes thématiques fétiches (légitimité, cérémonial…). Enfin, avoir quelqu’un que je connais dans le public et que je n’ai pas envie de décevoir ; à croire qu’elle m’impressionne plus qu’un inspecteur. En plus, je suis vraiment en piste pour deux heures, car les textes du jour n’ont pas été attribués — je serai donc frustré de mon chronomètre de sadique.


Le cours se déroule néanmoins normalement… à ceci près que je ne regarde jamais dans la direction de notre invitée de peur de la voir bâiller ou somnoler et ne m’adresse qu’à la partie droite de la salle. Apparemment, à la fin de la séance, malgré la manipulation de notions complexes, tout le monde est vivant. Seule déception : nombre de mes blagounettes n’ont absolument pas marché.


Faites attention en sortant : il y a des blagues dégoupillées non explosées. Danger de mort !

Publié dans Saison 1

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S
<br /> La guest star de l'épisode me fait préciser que contrairement à ce que laisse sous-entendre mon texte (j'écris trop vite), elle a bien aimé mon cours.<br /> <br /> <br />
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