épisode 113 : 29 mars — Mutatis mutandis

Publié le par strelets

Aujourd’hui, faisons dans la loose. En 1430, après huit années de blocus, les Ottomans s’emparent définitivement de Thessalonique, dont les défenses avaient été confiées à Venise par le despote Andronic Paléologue sept ans auparavant.

Pour moi aussi, ça commence mal. N’ayant pas de photocopies à faire pour le cours, j’avais espéré me lever plus tard et prendre le train de 7H14, celui qui me permet d’arriver un peu juste, au risque d’un peu de retard en cas de coinçage à la SNCF. Hélas, je me suis rappelé hier que les élèves risquaient d’oublier leur manuel de géographie pour le module et qu’il vaudrait mieux faire des photocopies en prévisions. Me voilà donc de nouveau debout à 4H45. Seule satisfaction : il reste trois semaines avant les vacances et la semaine prochaine, c’est le lundi de Pâques !


Je fais une rechute de wagnérite. Contrairement aux autres lundis, le programme n’est donc pas russe : c’est L’or du Rhin
. Il y avait quelque chose d’amusant à partir de chez moi au son des volutes de l’orchestre suggérant les ondulations du Rhin. Et pour l’ambiance de création du monde, c’est bien adapté, car un des inconvénients de l’heure d’hiver, c’est qu’il fait de nouveau nuit noire quand j’arrive en gare de Maquesce — mais sans le froid, Dieu merci. Je franchis donc les portes de mon lycée au son du final de cet opéra court (deux heures et demie, pour du Wagner, ça relève de l’opéra de poche), c’est-à-dire l’entrée des dieux dans le Valhalla. Effet de contraste garanti. Ça veut dire aussi que les filles du Rhin chantent « faux et lâche qui se réjouit là-haut ». Je lève les yeux vers les bureaux de l’administration qui se trouvent juste au-dessus de l’entrée…


J’espère qu’un des effets secondaires de cet opéra sera de me rendre un peu plus teigneux vis-à-vis de mes élèves, en mode « quand j’entends du Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne ». Je me rends vers ma salle en fredonnant le leitmotif
des géants. Ça ne fonctionne que très moyennement : mon regard foudroyant est moins efficace que la technique du changement de place ; j’ai été tenté de fermer un œil pour voir si ça marcherait mieux, mais je ne suis pas certain qu’ils auraient saisi l’allusion. Sans surprise, à quelques exceptions près, les élèves n’ont pas l’exercice à rendre pour mercredi dernier. Dans ma mansuétude princière, je leur laisse jusqu’à mercredi prochain sans pénalité.


J’ai eu le nez creux pour les photocopies, car mes chers petits prennent l’air ahuri quand je leur demandent s’ils ont bien amené leur livre de géographie pour le module. Le plan est de faire la géo en demi-groupe, ce qui tombe bien car nous sommes supposés construire le cours à partir d’« études de cas », qu’il est plus facile d’étudier dans ce cadre ; en plus, nous perfectionnons la méthode du dossier documentaire. À croire que j’ai pédagogiquement calculé mon coup : c’est fou comme l’être humain est capable de rationaliser ses choix. En route donc pour Bombay, dont le cas nous permettra de saisir les enjeux des villes dans le monde (bon courage).


Une fois le cours fini, je file dans la direction diamétralement opposée : je dois traverser Paris pour me rendre à Arcueil, au siège du syndicat, afin de demander de l’aide pour mes mutations intra (cf. épisode 112). C’est pas gagné : comme la réforme a supprimé le stage, il faut trouver des postes complets pour ceux qui viennent de réussir leur concours. La concurrence va être rude. En revanche, j’apprends que le rectorat accorde des bonifications aux TZR qui demandent un poste fixe dans le département de leur zone de remplacement. En clair, en demandant un lycée dans le Val-d’Oise, je cumule la bonification des agrégés et celle de fixation, ce qui compense largement mon faible nombre de points de base, car à cause de mon séjour dans le supérieur et ma demande de disponibilité pour avancer ma thèse, je me retrouve avec à peine un an d’ancienneté dans mon poste.


Bref, je file au SIAM. Ne rêvez pas, c’est comme Antarès (cf. épisode 49). Ça veut dire « service d’information et d’aide pour les mutations » : c’est le serveur informatique où les profs demandent les postes qu’ils ne vont pas obtenir. Je regarde les postes disponibles en lycée, et vois que je peux atterrir dans certains établissements où j’ai déjà exercé mes talents, comme Michel-Simon ou Lewis-Carroll — il est exclu que je revienne à Bernard-Gui, car c’est un poste qui inclut les classes européennes en allemand. Avec un syndicat qui suit mon dossier, j’aurais peut-être une chance d’obtenir quelque chose de potable.


Bonne nouvelle du jour : je découvre dans le journal que notre ministre bien-aimé veut nous augmenter. En plus, je suis doublement bénéficiaire, car ça touche les agrégés et les petits échelons. Le hic, c’est qu’il n’a pas dit quand : mes vacances aux Bahamas ne sont pas pour demain…

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Publié dans Saison 1

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