épisode 191 : 21 septembre — Cyberteacher (mais pas prof virtuel)

Publié le par strelets

En 1745, alors que l’essentiel de l’armée britannique est occupée à se faire tailler des croupières sur le continent, les jacobites écrasent une armée levée en hâte lors de la bataille de Prestonpans. Le combat a duré une dizaine de minutes, ce qui doit constituer un record. 

 

Pour moi aussi, le mardi est marqué par la rapidité, avec seulement trois heures de cours, et deux en semaine 2. Avec trois heures de trajet aller-retour, je suis sous le seuil de rentabilité. J’essaierai de mieux négocier mon emploi du temps l’an prochain.

 

Cet après-midi, pourtant, je ne viens pas pour faire cours. Vous imaginez l’étonnement des élèves quand ils me voient dans le hall alors que je leur avait signalé mon absence. Je dois leur expliquer qu’aujourd’hui, je suis présent au lycée, mais pas pour eux.

 

Je me suis en effet raccroché à la dernière minute à une présentation du TNI organisée essentiellement pour les profs de langue. Le TNI, c’est le tableau numérique interactif, le nouveau gadget de haute technologie qui remplace notre beau tableau (noir ou blanc) et permet de projeter des animations, vidéos, images et autres. La fascination des intelligences supérieures qui nous gouvernent pour les nouvelles technologies est telle que je ne vais pas y échapper très longtemps. Les parents aussi sont éblouis par le vernis de modernité donné par l’idée de haute technologie dans l’archaïque Éducation nationale. Au collège, c’est déjà trop tard : le conseil général du Val-d’Oise a mis le paquet et équipé pratiquement tous les établissements, au grand dam de Mathilde Boisserie, mon ex-collègue d’Alfred-Jarry réfractaire à la technologie. Ses récriminations contre cet engin maudit qui tue la spontanéité du cours, puisqu’il doit se dérouler dans l’ordre prévu et pas autrement, m’ont persuadé qu’il me fallait apprendre à dompter la bête. Néanmoins, comme elle l’a fait remarqué, un mauvais prof ne sera pas meilleur avec un TNI.

 

Bref, il faut bien que je me fasse une idée des possibilités de la chose. De quoi me transformer en véritable cyber-prof maîtrisant les TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’éducation, à ne pas confondre avec les tics) avec brio pour la plus grande joie de ma proviseur, mon inspecteur, mon recteur, mon ministre, les palmes académiques ne sont plus très loin… Euh… calme ta tête, camarade, à ce rythme, tu vas devoir troquer ton agrégation contre un diplôme d’animateur informatique devant encadrer les élèves dans leur recherche des ressources en ligne.

 

Un collègue de maths venu d’un établissement voisin est donc venu nous présenter le TNI. C’est déjà pas mal : nous pourrons voir un emploi pédagogique réel et non une démonstration théorique.

 

Une fois de plus, l’Éducation nationale a fait confiance à la technologie shadok. La mise en place prend presque une heure. Il faut de nombreux réglages, et il n’est pas rare qu’il faille les refaire. Et c’est important, car si la définition de la préparation n’est pas celle du TNI, tout est déformé. Une fois de plus, les macophiles sont victimes de discriminations : le logiciel certes existe en version Mac, mais les mises à jour sont moins fréquentes, et elle a déjà plusieurs versions de retard.

 

La suite est nettement plus intéressante. Le TNI offre effectivement quelques belles possibilités, et je me surprends à imaginer quelques applications. Mais une petite voix au fond de mon cerveau me murmure que tout ceci est essentiellement cosmétique. Néanmoins, lorsque l’intervenant nous propose de venir tester le TNI, le geek qui sommeille en moi se réveille et je m’en vais dessiner des traites, des flèches, varier les couleurs, faire des caches…

 

Seul bémol : je vois déjà à quel point la préparation va être lourde, et que ce surcroît de travail ne va pas permettre d’améliorer le contenu, mais le contenant. Est-ce bien raisonnable ? Est-ce bien utile ?

 

Comment ça, c’est ce qu’on appelle de la pédagogie ?…

 

Publié dans Saison 2

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